Paris, le vendredi 18 mars 2016.
Au Musée de l’Homme, devant un public de 200 personnes composé de chercheurs de renoms venus des 5 continents, le Professeur Roger Lemon, reçoit le Prix International de la Fondation Fyssen.
Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, Messieurs les Membres du Conseil Fyssen, Mesdames et Messieurs, chers Collègues. J’aimerais exprimer mes profonds remerciements à la Fondation Fyssen de m’avoir accordé le prestigieux Prix international Fyssen 2015.
Je tiens aussi à remercier ma famille et mes nombreux collègues scientifiques qui ont tous contribué, de différentes façons, à la réalisation de ces travaux couronnés par ce prix. Mon exposé de ce soir s’intitule « La Main : une ouverture sur l’esprit ».
Je commence par l’importance de la main de l’être humain dans notre culture, notre communication, notre technologie et, donc, notre évolution. Je vais souligner la grande faculté d’adaptation de la main de l’homme pour explorer et façonner le monde qui nous entoure. Cette faculté s’explique partiellement par les structures squelettiques et musculaires de la main. Mais c’est surtout l’extrême subtilité du système neural contrôlant la main qui joue un rôle majeur. Un réseau sensoriel sophistiqué interprète des renseignements tactiles. Les différents muscles de la main sont commandés par un système moteur spécifique. Environ 30 muscles se mettent en place pour orienter la main et en faire bouger les doigts. La dextérité de la main est guidée à la fois par le toucher et la vue, ainsi le processus est un phénomène sensorimoteur.
Je vais décrire l’anatomie et le fonctionnement des mécanismes neuraux caractéristiques du système de contrôle de la main humaine. Nous partageons ces mécanismes avec certains de nos cousins les primates. En particulier, j’expliquerai l’évolution tardive du contrôle direct des muscles de la main à partir du cortex moteur primaire, par les fibres des voies corticospinales. Ce système cortico-motoneuronal permet au cerveau de diriger l’immense répertoire moteur d’une main qui saisit.
Je vais vous montrer que ces projections corticospinales directes sont particulièrement bien développées chez des singes et grand-singes habiles à utiliser des outils. Je vais démontrer que les neurones corticaux participent activement dans le maniement d’un outil.
Je vais donc décrire ce système de contrôle de la main en tenant compte de la découverte du système des neurones miroirs par Giacomo Rizzolatti, Vittorio Gallese et leurs collègues. Nous avons récemment prouvé que certains des neurones des voies corticospinales possèdent ces propriétés « miroir ». Cela signifie que ces neurones ne sont pas seulement actifs quand on exerce soi-même une préhension mais, également, quand on observe un geste similaire accompli par une autre personne. Le cerveau emploie son propre lexique de préhension. Le système des neurones miroirs se sert de ce lexique pour permettre l’identification rapide de la nature et de l’intention de l’action des autres.
La découverte des neurones miroirs a eu un impact majeur sur les théories se rapportant aux neurosciences cognitives et sociales. D’autre part, cette découverte démontre aussi les conséquences sur nos propres gestes et, en particulier, la suppression d’un mouvement involontaire ou non recherché.
J’ai tenté de souligner les multiples avantages conférés par le système de contrôle sensorimoteur du primate dans sa capacité à contrôler la main. Mais nous devons reconnaître aussi, que malheureusement, ce système, si perfectionné soit-il dans l’évolution, est très vulnérable aux lésions neurologiques et autres maladies. Je vais terminer (à votre grand soulagement) par vous expliquer brièvement comment les recherches de base concernant les primates sujets d’expériences, nous aident à comprendre la maladie de Charcot, les attaques cérébrales et les lésions de la moelle épinière. Dans certains cas, ces recherches ouvrent de nouveaux protocoles thérapeutiques.
Avec votre aimable permission je vais maintenant poursuivre mon discours en anglais.
Roger Lemon