Marine Cazenave,
Former Fyssen 2019
Journal of Human Evolution 153 (2021) 102964
La structure interne du squelette appendiculaire – représentée par la coquille corticale (le «contenant») et le réseau de l’os trabéculaire (le «contenu») – se modèle et remodèle au cours de la vie pour résister et s’adapter localement aux charges appliquées sur l’os, donc, aux contraintes biomécaniques. Par conséquent, les études sur les répertoires locomoteurs des australopithèques (Australopithecus et Paranthropus) ont progressivement intégré des informations sur l’agencement endostructural des restes osseux, notamment ceux du membre inférieur.
Un groupe de recherche international a utilisé la microtomographie à rayons X pour dévoiler, de façon non invasive et à haute résolution, l’organisation interne des différents compartiments qui forment la partie proximale (articulaire) de cinq fémurs de l’hominine Paranthropus robustus du site fossilifère de Swartkrans, en Afrique du Sud, âgés d’environ 2 millions d’années. Ce registre, qui représente l’ensemble le plus complet retrouvé à ce jour pour ce taxon, a été comparé à un échantillon d’humains, de chimpanzés et de gorilles. Dans un article publié au Journal of Human Evolution en mars 2021, les auteurs ont révélé une architecture du réseau trabéculaire globalement similaire entre P. robustus et les humains actuels, confirmant une composante de bipédie engagée dans le comportement locomoteur de ce taxon fossile. Cependant, des différences de positionnement et de fonctionnement musculaire au niveau de l’articulation de la hanche, certainement associées à des différences de performance locomotrice entre P. robustus et les humains actuels, ont aussi été identifiées. Il reste encore à déterminer si le signal identifié chez P. robustus est partagé avec les autres australopithèques ou s’il représente une spécificité de ce taxon.
Marine Cazenave est une paléoanthropologue travaillant sur les dynamiques d’agencement endostructural de l’os au cours de la vie en lien avec différentes contraintes de nature environnementale, biologique et fonctionnelle chez l’humain et chez des représentants fossiles de la lignée hominine. Marine a soutenu sa thèse en 2018, en codirection entre le laboratoire UMR 5288 AMIS, Université Toulouse III Paul Sabatier, et le Département d’Anatomie de l’Université de Pretoria, s’intéressant au squelette postcrânien du taxon Paranthropus robustus pour répondre à des questions de nature taxinomique, fonctionnelle et paléobiologique. Elle a ensuite a intégré le programme international Bakeng se Afrika à la Sefako Makgatho Health Sciences University de Pretoria, afin de créer la toute première ‘bibliothèque virtuelle’ de données micro-CT de sa collection ostéologique. Grâce à une allocation postdoctorale de la Fondation Fyssen, Marine est actuellement à l’Université du Kent, dans une équipe de recherche dirigée par les Profs T. Kivell et M. Skinner, où de nouveaux outils analytiques pour l’imagerie virtuelle ont été créés. En s’appuyant sur un corps solide de données de comparaison issues du squelette humain et de grands singes actuels, elle explore les variations et l’évolution dans l’organisation de la structure interne de l’articulation de la hanche chez les hominines dans la perspective d’en identifier la nature et d’en décomposer les facteurs co-responsables.
Image 1. Gauche: un fémur proximal du taxon éteint Paranthropus robustus (SWT1/LB-2) découvert sur le site de Swartkrans, en Afrique du Sud. Droite: sa reconstruction 3D par microtomographie à haute résolution révélant l’organisation interne de l’os. En bleu les zones extraites virtuellement pour les analyses quantitatives.