Congrès des neurosciences américaines (SFN), 2018 – L’habénula latérale, une structure impliquée dans l’adaptation comportementale liée au stress ?

Victor MATHIS
Former Fyssen 2017

L’habénula latérale, une structure impliquée dans l’adaptation comportementale liée au stress ?

Les résultats obtenus concernant l’implication de l’habénula latérale dans le phénomène de rechute induite par le stress ont été présentés au congrès des neurosciences américaines (SFN), 2018, à San Diego, Californie, USA, considéré comme le plus important congrès de neurosciences mondial. Intitulé « A prefronto-habenular circuit involved in stress-induced reinstatement » cette étude, présentée sous la forme d’un poster, était adressée à un public de neuroscientifiques internationaux. La possibilité de discuter ces résultats à la fois avec des cliniciens et des chercheurs a permis de confirmer l’aspect transrationnel de ce projet. Ces discussions ont également permis d’évaluer l’aspect prometteur de ce sujet ainsi que d’orienter de potentielles poursuites.

Contexte
La capacité d’adapter notre comportement à la situation face à laquelle nous sommes confrontés est primordiale à notre survie et à notre intégration dans la société. Pour cela, notre système nerveux doit prendre en compte les émotions ressenties, le stress engendré par la situation, notre motivation ou encore nos souvenirs. En effet, grâce à ces derniers, nous mettons continuellement en relation le passé et le présent afin de nous adapter au mieux à notre environnement et guider nos choix. Cette capacité apparait d’autant plus importante que de nombreuses pathologies, telles que l’autisme, le syndrome de stress post-traumatique ou encore l’addiction, sont caractérisées par un défaut d’adaptation comportementale.
A l’heure actuelle, nous connaissons les régions cérébrales impliquées dans la mémoire et les émotions ainsi que l’influence des émotions sur nos comportements. Cependant, le réseau fonctionnel incluant ces structures, mis en jeu lorsqu’un individu appréhende son environnement et met en place la meilleure stratégie comportementale, reste encore méconnu.
Notre hypothèse, ainsi que différentes études, suggèrent que l’HbL joue un rôle majeur dans notre capacité à sélectionner un comportement. En effet, cette structure est un point de convergence d’informations en provenance du CFPm, des ganglions de la base et du lobe temporal. De plus, elle projette directement vers les centres monoaminergiques mésencéphaliques, impliqués dans les processus mnésiques, motivationnels et dans la gestion du stress. Cette connectivité lui permet également de jouer un rôle dans d’autres fonctions comme l’évaluation du résultat d’une action ou la réponse comportementale utilisée lors d’une situation stressante. Récemment, nous avons démontré son implication dans les mémoires à court et long terme, notamment à travers sa connexion avec le CPFm ainsi que son implication dans la réponse comportementale face à une situation stressante. Nos travaux démontrent, sans toutefois révéler les mécanismes sous-jacents, que l’HbL est impliquée dans la manipulation d’informations nécessaires à un individu lorsque celui-ci fait face à une situation. Ils suggèrent ainsi que l’HbL est une interface entre mémoire et gestion des émotions et participe à l’adaptation comportementale lors de situations stressantes.
Différentes études, renforçant cette hypothèse, ont déjà suggéré la présence de dysfonctionnements de l’HbL dans les comportements d’addiction et dans la dépression. Une étude récente propose qu’une altération de l’activité de l’HbL, notamment de la balance excitation/inhibition, puisse être impliquée dans les phénomènes de rechute de prises de drogue tout comme dans les effets néfastes associés à la prise de drogue. De plus, son implication dans certaines comorbidités pathologiques telles que la dépression induite par un stress semblent démontrer que l’HbL peut être vue comme une structure pivot dans la gestion et l’intégration des émotions et notamment du stress et qu’une altération du fonctionnement de cette structure peut conduire à des perturbations comportementales graves.

Objectifs
Nous proposons d’étudier chez le rongeur le réseau fonctionnel, incluant l’HbL, impliqué dans l’adaptation comportementale en condition stressante et les désordres comportementaux découlant d’un dysfonctionnement de ce réseau. Dans un premier temps nous souhaitons (1) caractériser, anatomiquement et fonctionnellement, la connexion entre l’HbL et le CPFm; (2) explorer le rôle de l’HbL et de la voie CPFm-HbL dans l’intégration du stress et dans les comportements liés à la gestion du stress et à l’adaptation comportementale, l’implication du CPFm dans l’adaptation au stress étant aujourd’hui bien connue. Cette partie de mon projet visera à comprendre comment l’HbL peut intégrer un stress aigu (de nature physique ou physiologique) mais également comment l’altération de l’activité de cette structure et de la voie CPFm-HbL peut conduire à une perturbation des comportements de réponse à un stress chez les animaux. Dans un deuxième temps nous explorerons (3) si une altération de cette voie peut conduire à des comportements pathologiques. Pour cela nous nous focaliserons sur l’impact du stress dans les comportements d’addiction, domaine d’expertise du laboratoire du Dr. Kenny au Mont Sinaï à New York, notamment en ciblant le processus de rechute induit par le stress. Dans cette dernière partie, en plus de l’étude du réseau impliqué dans le phénomène de rechute, nous souhaitons évaluer, au niveau moléculaire, les modifications d’expression de gènes qui interviennent au sein de l’HbL et du CPFm lors de la rechute de la prise de drogue. Cet aspect moléculaire permettra potentiellement de mettre en évidence de nouvelles cibles thérapeutiques en relation avec les comportements d’addiction.

Victor MathisVictor Mathis est docteur en neurosciences (thèse obtenue en 2016, sous la direction de Lucas Lecourtier et Jean-Christophe Cassel, LNCA, Strasbourg, France). Durant sa thèse, ses travaux ont permis de décrire l’importance de l’habénula latérale (HbL) dans les processus d’apprentissage et de mémoire. En effet, ses travaux ont fait l’objet de plusieurs publications dans des journaux scientifiques majeurs, démontrant pour la première fois l’importance spécifique de cette structure cérébrale dans les processus d’encodage et de rappel d’une mémoire spatiale à long terme ainsi que son rôle, via ses connexions avec le cortex préfrontal médian, dans la mémoire de travail. Ces travaux de thèse suggèrent également que l’HbL peut être une région cérébrale jouant un rôle d’interface entre émotion et processus mnésiques, notamment via une interaction avec l’axe hypothalamo-hypophysaire. Actuellement, Victor Mathis poursuit ses travaux de recherche au sein du laboratoire du Dr. Paul Kenny au Mont Sinai, à New-York. Le projet principal, financé par la fondation FYSSEN, cherche à décrire comment le réseau de l’HbL, comprenant notamment le cortex préfrontal médian, peut être impliqué dans l’adaptation comportementale en condition de stress. En d’autres termes, comment cette région cérébrale et son réseau peut participer et influencer nos comportements à venir en nous basant sur ce nos souvenirs d’évènements passés, nos attentes ainsi que nos émotions. En effet, une altération de cette capacité à modifier nos comportements en fonction de la situation en cours peut conduire à des pathologies graves telles que la dépression, l’autisme, la schizophrénie ou encore des comportements d’addiction. Dans ce contexte, une partie de ce projet vise également à comprendre comment une altération du réseau de l’HbL peut conduire au phénomène de rechute induite par le stress.